Nous avons demandé à Stéphane Tétreault, violoncelliste de renommée internationale et ami de La Route des concerts, de se prêter au jeu d’une entrevue!
Avec passion et générosité, il nous raconte ci-dessous la richesse de son expérience en concert chez les petits diffuseurs en musique classique et partage avec nous son point de vue unique de musicien… depuis la scène!
Crédits photo : Frédérik Robitaille
Stéphane, en tant que violoncelliste qui fait beaucoup de tournée, tu as l’occasion de te produire dans des salles de toutes tailles. Pour toi, à quoi ressemble l’expérience de jouer dans les salles plus intimes, comme celles de La Route des concerts?
C’est vraiment un contexte privilégié! Bien sûr, il y a un effet grandiose à se produire dans de grandes salles devant un grand nombre de gens, mais ce n’est pas moins impressionnant dans un salon de musique qui accueille 50 personnes. Pour moi, il y a quelque chose de très touchant dans le fait de pouvoir donner un concert dans un contexte intime, qui permet de communiquer avec le public entre les pièces et de recevoir une rétroaction instantanée. Ça crée un lien émotif : on sent vraiment que ce que l’on transmet est reçu. C’est magique. J’ai toujours trouvé que le fait d’être artiste et de pouvoir partager une œuvre avec le public est un privilège en soi, et ce privilège se trouve amplifié quand on joue dans des salles intimes comme celles qui font partie de La Route des concerts.

Qu’est-ce qui, selon toi, fait la force des petits diffuseurs en musique classique au Québec?
J’ai une réponse à plusieurs volets. Je dirais d’abord que pour les artistes, l’accueil hyper chaleureux qui nous est réservé est vraiment très spécial. Par exemple, on a souvent la chance de partager un repas avec les membres de l’équipe ‒ parfois même, ce sont eux qui cuisinent! C’est toujours un beau moment, qui m’amène d’ailleurs à mon deuxième point : ce contact étroit nous permet d’échanger sur leur réalité. C’est très important pour les artistes d’être conscients des enjeux qui touchent l’écosystème de la musique au Québec, et au courant de ce qui se passe dans les communautés, que ce soit dans les petites villes, les régions, les milieux ruraux. Je pense qu’il faut aussi diffuser la musique là où vivent les gens, pas nécessairement les attendre seulement dans les grandes salles. Les salles plus intimes, les petits diffuseurs, font tout autant partie de l’écosystème de la musique et ont tout autant d’importance. Mes premières expériences sur scène quand j’avais 15 ou 16 ans m’ont été offertes par des diffuseurs plus locaux! On a vraiment de la chance, ici, d’avoir des gens de terrain qui travaillent dans des conditions économiques pas toujours faciles, mais qui continuent à croire à leur mission. Ils font un travail incroyable. S’ils n’étaient pas là, il y a plusieurs villes en région qui n’auraient pas accès à la musique classique du tout. C’est donc primordial aussi pour les artistes de continuer à soutenir ces diffuseurs locaux, parce que nous sommes chanceux de pouvoir présenter notre œuvre un peu partout au Québec.
Comment décrirais-tu l’accueil du public dans les lieux de diffusion situés en région et en milieu rural?
Lorsque je rencontre des spectateurs après un concert ou lors d’une causerie chez les diffuseurs plus éloignés, on me dit souvent: « Merci d’avoir pris le temps et la peine de venir jusqu’ici! ». Et je trouve ça particulièrement beau : on sent que c’est pour eux un événement! Parce que même s’ils ont accès à la culture, il est plus rare qu’ils entendent de la musique classique chez eux. Ça arrive peut-être 3, 4 ou 5 fois par année seulement, dans certaines régions. Ils se sentent privilégiés, et je me sens à mon tour privilégié, en tant qu’artiste, d’être reçu avec une telle reconnaissance. D’ailleurs, au-delà de la salle de concert ou du salon de musique, j’ai la chance de partager des moments incroyables avec la communauté dans laquelle je suis accueilli pour quelques heures, parfois même quelques jours. Je rencontre les gens dans des restaurants, des petits bars et cafés, et ils me reconnaissent ou me découvrent… et m’invitent parfois même spontanément chez eux pour des fêtes d’anniversaire ou visiter leur maison ancestrale! La chaleur humaine est vraiment débordante, et c’est comme ça partout au Québec.
Qu’est-ce que tu aimes le plus en tournée?
J’adore visiter d’autres villes au Québec, au Canada ou ailleurs dans le monde et m’imprégner de la culture locale. Comme je suis un foodie, un gourmet, je vais beaucoup dans les restaurants qui cherchent à offrir quelque chose de spécial, et pour découvrir la cuisine régionale. Je trouve que la cuisine, c’est vraiment un art! J’apprécie aussi d’aller marcher simplement dans les rues, voir les musées. Et comme je le disais, j’aime beaucoup à aller à la rencontre des communautés : je suis quelqu’un qui aime les gens, qui aime rencontrer des personnes nouvelles, différentes et passionnées de culture. On a beaucoup à apprendre en tant qu’artiste lorsqu’on voyage. Pour moi, c’est vraiment un point fort de la vie de tournée.
Qu’est-ce qui te fait vibrer dans l’univers de la musique classique?
La musique classique fait partie de mon parcours depuis que je suis assez jeune : j’ai commencé à jouer du violoncelle à l’âge de 7 ans, ç’a donc pratiquement toujours fait partie de ma vie. Avant même de débuter l’apprentissage du violoncelle, j’étais déjà intéressé par la musique ‒ mon jouet préféré était un petit xylophone. Je suis donc très attaché à la musique classique, qui me touche profondément, mais j’écoute aussi énormément de jazz et j’adore la musique pop. La musique classique, et c’est vrai pour tous les genres musicaux, est synonyme de partage! Ça me fait très plaisir lorsque sous des vidéos YouTube ou après un concert on me dit par exemple : « Je suis fan de heavy metal, mais j’ai découvert ce que tu fais, j’ai pris le temps de l’écouter, et wow, je vais revenir! » Certaines personnes peuvent parfois trouver la musique classique un peu inaccessible par rapport à d’autres genres, mais on n’a pas besoin d’être un amateur pur et dur pour se mettre en contact avec la musique classique et en apprendre un peu plus à son sujet. Après tout, elle a inspiré presque tous les courants musicaux jusqu’à aujourd’hui! Ce qui importe, ce que je veux transmettre, c’est que c’est une musique vivante et qu’on peut en faire l’expérience dans une salle de concert au simple contact d’un artiste qui véhicule une émotion. Et ça, ça transcende les genres. Faire cette expérience-là en direct, dans une salle qui soit grande ou petite comme celles de La Route des concerts, ça peut être un grand vecteur de changement!

On pourra justement aller à la rencontre de Stéphane Tétreault à trois reprises cet hiver sur La Route des concerts : il sera en duo avec le pianiste Olivier Hébert-Bouchard pour le concert Claude Debussy: Images oubliées le 8 février au Théâtre de Lac-Brome et le 9 février au Centre d’art de Richmond. Il sera également de passage à Sur la scène Davignon On Stage, à Cowansville, le 6 avril prochain pour son concert Autour de Jean-Sébastien Bach.